Ça y est, les résultats du concours de dessins de 2021 sont enfin disponibles. Le jury de l’IODE a pris un temps de délibération et a enfin choisi les trois dessins qu’il préférait parmi les 24 dessins que nous avons reçus de 19 artistes différents. Nous avons reçu de très beaux dessins cette année, utilisant beaucoup de techniques et de supports différents, le choix n’a pas été facile !
Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé et qui ont aidé à la sensibilisation à la question du génocide ouïghour à travers ces créations artistiques engagées.
Vous trouverez ci-dessous les trois dessins qui ont été retenus par le jury, avec des informations sur l’artiste, les techniques utilisées et un petit commentaire à propos de ce que le jury a apprécié des différentes œuvres.
C’est Fanny Vella qui a gagné ce concours de dessin avec cette œuvre, un dessin réalisé sur tablette numérique. Illustratrice connue pour son engagement sur des sujets variés, enfance, violences faites aux femmes, hypersensibilité, haut potentiel, etc. Vous pouvez la suivre sur Instagram : Fanny Vella (@fannyvella) • Photos et vidéos Instagram.
Elle dit à propos de son œuvre :
J’avais à cœur de prendre part au combat qui dénonce l’exploitation de la communauté ouïghoure et le dessin est un bon médium pour parler à tout le monde, à travers toutes les langues, tous les âges. C’est une façon de sensibiliser avec une image frappante, dérangeante qui pousse la curiosité et donnera peut-être l’initiative à celui qui la regarde d’aller chercher plus d’informations sur le sujet.
La symbolique de cette œuvre, ainsi que sa simplicité, est ce qui a retenu l’attention du jury. L’histoire que ce dessin raconte est très directement communiqué, et cible une problématique centrale au combat de l’IODE : le travail forcé dans la production de coton et plus largement dans l’industrie du textile. Pour en savoir plus sur l’industrie du textile et comment les grandes marques internationales profitent du travail forcé ouïghour, pour les lecteurs anglophones, nous vous invitons à lire cet article de Jewher Ilham, dont le père est emprisonné en Chine depuis 2014, cet article de John Sudworth, un journaliste reconnu spécialisé sur la Chine, et enfin ce rapport du Australian Strategic Policy Institute (pour les non-anglophones, nous faisons au plus vite pour vous fournir des traductions d’articles et de rapports, disponibles ici).
Fanny Vella dit à ce sujet :
Que faire à notre échelle ? Au moins 84% de produits chinois à base de coton viennent de la région Ouïghoure. Les secteurs du textile, de la mode et de la technologie chinoise sont concernés par le travail esclavagiste des Ouïghours. Pour ne pas alimenter ce génocide évitez le #madeinchina.
Le dessin qui a remporté le deuxième prix est celui de Maxime Germain, GRM1, un jeune illustrateur. Sensible aux violences faites aux Ouïghours, il a voulu apporter son aide à la cause à travers l’art. Vous pouvez suivre son travail sur Instagram : Maxime Grmn (@__grm1__) • Photos et vidéos Instagram.
Voici ce qu’il dit à propos de son dessin :
Dans cette illustration on peut y voir, au premier abord, un enfant seul étendu par terre au bord d’un trottoir, entouré de ses deux parents dessinés à la craie. Dans une deuxième lecture, il est intéressant de s’attarder sur celui-ci. Je pose la question aux spectateurs et la possibilité d’imaginer son histoire. Serait-il tout simplement fatigué par le dur labeur que cet enfant doit sûrement produire chaque jours ou serait-il mort de chagrin et dans son dernier instant de vie aurait souhaité être entouré une dernière fois de ses parents auxquels il a été arraché ?
Là est toute la violence des camps de concentration, représentée par l’ombre d’un mur et de ces fils barbelés, ainsi que la cruauté humaine avec la présence d’un garde se soulageant à côté de cette scène, preuve d’une insensibilité face à l’horreur.
Le jury a apprécié la foule d’éléments symboliques dans cette œuvre. Les ombres des barbelés et du garde de camps, le symbole du Turkestan oriental indépendant barré qui se trouve aux pieds de l’enfant, les mots « maman » et « papa » écrits en chinois et non pas en ouïghour, qui reflète la sinisation de l’éducation des enfants ouïghours, le pansement sur le bras de l’enfant, sa position, les dessins des parents comme seule source de couleur, l’ombre sur le visage de l’enfant, etc.
La situation des enfants en Région ouïghoure est aussi une préoccupation majeure de l’Institut. Il existe des sources de plus en plus nombreuses qui attestent des conditions de vie très difficiles des enfants, notamment ceux qui sont placés dans des orphelinats ou des internats d’Etat suite à l’internement de leurs parents comme les enfants qui font l’objet de cet article d’Emily Feng ainsi que ceux qui figurent dans cet article de Radio Free Asia.
Voici la toile réalisée à la peinture acrylique par Olivia Cocozza pour exprimer son soutien à la cause ouïghoure. L’artiste a dit à propos de cette œuvre qu’elle représente l’invisibilisation de ce génocide que des millions de musulmans ouïghours subissent en Chine. Vous pouvez suivre Olivia sur Instagram : oli & monday 🐶💙 (@ileauu) • Photos et vidéos Instagram.
Le jury l’a trouvé particulièrement percutant pour sa référence à l’intelligence artificielle et la surveillance constante dont sont victimes les Ouïghour-e-s, non seulement au sein de leur région d’origine mais aussi dans la diaspora. Il a aussi apprécié les éléments qui permettent d’immédiatement reconnaître un homme ouïghour d’un certain âge, de par sa barbe, la coupe et la couleur de ses cheveux, et cette belle doppa (chapeau traditionnel ouïghour) brodée verte.
En Région ouïghoure les personnes sont traquées dans leurs déplacements quotidiens par des caméras de surveillance, passent de nombreux check-points où ils doivent scanner leur carte d’identité, sont surveillés dans leurs activités en ligne, ont leurs portables fouillés, etc. Toutes ces informations, ainsi que celles relatives à leur scolarité, leur embauche, leur santé, leur famille, leurs comptes bancaires, et des informations ajoutées par la police (la couleur de leur voiture, leur taille, leurs fréquentations, etc.) sont envoyées à un système qui s’appelle la Plateforme d’opérations conjointes intégrées (POCI), le « Integrated Joint Operations Platform » en anglais et 一体化联合作战平台 en chinois. Toutes les informations envoyées vers cette plateforme sont traitées par l’intelligence artificielle, et celle-ci pointe des individus jugés potentiellement dangereux, qui sont ensuite interrogés par la police et souvent envoyés en camps. Le résumé du rapport sur la Plateforme d’opérations conjointes intégrées publié par le Human Rights Watch est disponible en français ici. Le Xinjiang Data Project fournit également une bonne explication de son fonctionnement pour les lecteurs anglophones.
Les Ouïghours à l’étranger subissent également surveillance et intimidation de la part de l’Etat chinois, comme le montrent bien ce documentaire d’Arte, cet article d’Amnesty International, ou bien ce rapport de Bradley Jardine pour les lecteurs anglophones (une traduction du rapport sera disponible bientôt).